Nouvelle enquête

Animaux et produits d’entretien ne font pas bon ménage

Campagne d’affichage réalisée par Banlieue Ouest pour Animal Testing, dans le métro et le RER parisien du 28 mars au 3 avril 2023.
Investigation réalisée par Animal Testing d’avril 2022 à mars 2023.
Illustrations de Das Mädchen pour Animal Testing.

Publiée le 27 mars 2023 à 7h00. Lecture 17 min.

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Pendant un an, Animal Testing a enquêté sur un domaine aussi méconnu que quotidien : les produits ménagers. Ils peuplent nos cuisines, nos salles de bains, étincellent de promesses alléchantes, de fraîcheur et de brillance. Pourtant l’envers du décor est autrement plus douloureux pour les animaux.

Nous avons découvert un labyrinthe que nous ne soupçonnions pas : une multitude d’acteurs, de législations, et d’expériences sur les animaux, le tout enchevêtré à différents niveaux.

Cette investigation est à ce jour notre plus long travail d’enquête. C’est aussi la seule réalisée sur ce domaine, jamais évoqué à propos de l’expérimentation animale, alors qu’il fait partie de notre quotidien et concerne des millions de personnes.

Lorsque l’on parle d’expérimentation animale, deux domaines monopolisent le débat : la recherche médicale d’une part, les cosmétiques de l’autre.

Ces derniers attirent depuis longtemps l’attention des consommateurs, des marques et du législateur, et pour cause : les pratiques horrifiques des laboratoires cosmétiques sur les animaux hantent encore les esprits, et ce sont aussi les rares produits utilisés au quotidien et sur lesquels le citoyen a un pouvoir de décision (et de boycott) par son acte d’achat.

Pour ces mêmes raisons, un autre secteur nous intéressait : les produits ménagers.

Sont-ils testés sur les animaux ? Ingrédients ou produits finis ? Si oui, à quelle fréquence, pourquoi, comment ? Et par qui ?

À notre grande surprise, personne, dans la protection animale comme parmi ceux que l’on nomme « les acteurs de la détergence », n’était en mesure de nous expliquer clairement et en détails ce qu’il en était. Il est pourtant fondamental de le comprendre car aujourd’hui les produits ménagers ne sont pas concernés par l’interdiction d’expériences sur les animaux qui prévaut pour les ingrédients et les produits à usage uniquement cosmétique (règlement CE N°1223/2009, en vigueur depuis le 11 juillet 2013). Et c’est ainsi que notre enquête commence, en avril 2022.

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Le « Home care », entre déni et confusion volontaire

Nous interrogeons d’abord les marques de produits ménagers. Pour corroborer les réponses, nous doublerons les demandes : notre enquêtrice les contactera, en tant que particulier voulant s’informer, avant que nous ne les recontactions en tant qu’Animal Testing.

Nettoyants pour cuisine, pour salle de bain, lingettes, sprays de produit désinfectant, gels WC, lessives, désodorisants, décapants pour four : pendant un an nous allons lister scrupuleusement les produits, contacter un à un les services clients, par téléphone, par écrit, à de nombreuses reprises et à des intervalles espacés, et rechercher les interlocuteurs appropriés.

Un monde paradoxal où le naturel est prôné dans les parfums, alors que le chimique prévaut dans les bouteilles. Où la sémantique du soin est brandie, alors que la souffrance animale a bien eu lieu.

Unilever, Reckitt, Henkel, SC Johnson, Diversey, Procter & Gamble : six groupes internationaux, dont vous connaissez moins les noms que les produits. Ils pèsent des milliards et se répartissent ce que l’on nomme le marché de la détergence ou encore « le home care ». Cette terminologie anglosaxonne renvoie au soin de la maison, au confort, à la sécurité, dans un champ lexical rassurant et douillet. Prendre soin de chez soi, comme on prend soin de soi.

Nous allons découvrir un monde tissé de paradoxes où le naturel est prôné dans les parfums, alors que le chimique prévaut dans les bouteilles. Où la sémantique du soin est brandie, alors que la souffrance animale a bien eu lieu. Nous allons côtoyer ces groupes mondiaux, les relancer, et, au fur et à mesure que nous obtiendrons des preuves contredisant leurs discours, nous allons les y confronter. Mais nous n’en sommes pas encore là : notre question pour l’instant est simple, c’est celle que des internautes, des proches ou des adhérents à notre association nous posent souvent : « vos produits ou leurs ingrédients ont-ils été testés sur les animaux ? »

La grande majorité des industriels nous répond qu’ils sont opposés aux tests sur les animaux mais qu’ils s’y soumettent lorsque la réglementation l’exige. Un refrain pour le moins flou que l’on connaît bien car c’est aussi celui que toutes les marques de cosmétiques répètent à l’envi depuis l’interdiction de tests sur les animaux en 2013 (règlement UE), laquelle tolère pourtant bien des exceptions (voir notre campagne soutenant l’Initiative citoyenne européenne, validée officiellement par la commission européenne le 25 janvier 2023).

La formule « si la réglementation l’exige » ne manque pas de nous interpeler : quid des marques qui disent ne pas tester sur les animaux, seraient-elles dans l’illégalité ? C’est ce que l’on pourrait penser à lire les réponses des industriels.

« Certaines entreprises affirment qu’elles « ne font pas de tests sur les animaux ». Franchement, nous sommes sceptiques »
– SC Johnson.

SC Johnson nous explique, dans un long courrier de deux pages, que ces marques qui prétendent ne pas tester leurs produits sur les animaux, mentent. Tout simplement.

Selon SC Johnson, elles font des expériences sur les animaux mais le taisent, jouant sur la confusion suivante : ces tests seraient effectués par leurs fournisseurs et non les marques elles-mêmes. SC Johnson affirme aussi que ces marques ne feraient aucune « innovation » dans leurs produits, et n’auraient donc pas besoin d’expériences sur les animaux. Des allégations lourdes, et qui établissent déjà un lien de causalité entre nouveaux produits et expériences sur les animaux, que l’on comprendra plus tard. À lire ce courrier, il est inconcevable qu’un produit ménager n’ait pas généré des expériences sur les animaux.

« Nous sommes conscients que certaines entreprises affirment qu’elles « ne font pas de tests sur les animaux ». Franchement, nous sommes sceptiques, mais même si l’affirmation est vraie, cela peut signifier simplement qu’elles ne font rien de nouveau. Les innovations en matière de produits – qui peuvent par exemple offrir un impact réduit sur l’environnement – peuvent nécessiter des tests en raison de l’utilisation de nouveaux produits chimiques ou d’une nouvelle façon de les utiliser. Une entreprise qui n’innove pas peut ne pas avoir ce besoin, bien qu’elle doive se conformer aux nouvelles exigences légales qui peuvent impliquer des tests sur les animaux. D’autres entreprises qui affirment ne pas effectuer de tests sur les animaux peuvent aussi simplement dissimuler les faits. Cela ne signifie pas nécessairement que les ingrédients qu’elles utilisent n’ont pas été testés – en fait, il est probable qu’ils l’aient été. La grande majorité des produits chimiques utilisés dans les produits ont fait l’objet de tests de toxicité. Mais certaines entreprises contournent cette question parce que leurs matières premières ont été testées par les fournisseurs auprès desquels elles s’approvisionnent, ou par d’autres fournisseurs auxquels ces derniers font appel. Ainsi, leurs affirmations se fondent uniquement sur le fait qu’elles ont elles-mêmes testé la formulation d’un produit particulier… et non sur l’existence de tests dans l’histoire du produit. »

Nos recherches corroborent ce que SC Johnson affirme sur l’innovation : la mise sur le marché de nouveaux produits génère bien de nouvelles expériences, pour des raisons d’obligations réglementaires qui relèvent du règlement européen REACH pour les ingrédients chimiques non répertoriés, mais pas seulement, comme nous allons le découvrir.

Comme ces géants de la détergence souhaitent innover et commercialiser de nouveaux produits (nouveaux parfums, nouvelles formules) toujours plus efficaces et puissants pour le consommateur, leur stratégie de communication sur l’expérimentation animale se partage entre discrédit jeté sur les marques Cruelty free, et déni, voire mensonge.

Marques Cruelty free et règlementation : qu’en est-il ?

Soyons clairs : toutes les substances (les ingrédients) ont été testées sur les animaux un jour ou l’autre. Le raisonnement ne saurait se faire dans l’absolu, et l’on doit rapidement départager les expériences « passées » (mais jusqu’à quand ?) des « nouvelles » expériences (mais à partir de quand ?). Là encore, difficile de choisir un seuil. C’est pourtant ce que font les marques lorsqu’elles s’engagent à ne pas tester sur les animaux.

La marque L’Arbre Vert nous affirme ainsi sa bonne volonté de ne pas commanditer de nouvelles expériences sur les animaux « par contre, L’Arbre Vert ne peut en aucun cas certifier que tous les composants utilisés n’ont jamais été testés sur animaux par le passé. »

Plusieurs marques Cruelty free nous expliquent leur politique : pas d’ingrédients testés depuis 1990 et pas de tests des produits finis sur les animaux. C’est ce que nous confirme Beate Oberdorfer, de la marque Sonnett dont les derniers ingrédients testés sur les animaux, le Glucopon 650 et le Glucopon 600, l’ont été en décembre 1990. Ghizlane Jougleux, chimiste et directrice de la marque Mutyne, nous précise de même : « Nous n’utilisons pas non plus de matière première testée sur les animaux après 2009 ou de matières premières d’origine animale. »

La plupart des marques Cruelty free évoquent aussi le recours à une composition faite d’ingrédients naturels, non concernés par REACH. Les allégations de SC Johnson se révèlent infondées : aujourd’hui des produits ménagers dont aucun ingrédient n’a été testé sur les animaux depuis plus de 10 ans, existent bien et respectent la réglementation en vigueur. Que s’est-il passé ces 10 dernières années ?

La réglementation, à laquelle les industriels du Home Care font référence, s’articule autour de 3 règlements européens récents (en vigueur entre 2007 et 2015) mis en œuvre par l’ECHA (European chemicals agency) l’agence européenne des produits chimiques, basée à Helsinki. Honnêtement, on aurait bien aimé voyager là-bas pour visiter l’institution, rencontrer nos interlocuteurs, et tourner une séquence vidéo façon « grand reporter » mais notre budget comme notre temps étant limités, nous avons dû procéder par analyse de documents, heures de lectures et échanges téléphoniques. Résumons :

1/ Le règlement REACH (règlement n°1907/2006) en vigueur depuis le 1er juin 2007, exige des informations sur les substances chimiques et les répertorie avec des exigences harmonisées entre les pays de l’UE « pour mieux protéger la santé humaine et l’environnement contre les risques liés aux substances chimiques, tout en favorisant la compétitivité de l’industrie chimique de l’UE », peut-on lire sur le portail de l’ECHA.

« Au 31 mai 2018, plus de 20 000 substances chimiques sont connues et leurs risques potentiels établis » explique le ministère de la Transition écologique. Depuis cette date, il n’est plus possible de fabriquer ou d’importer des substances à plus d’une tonne par an, sans les enregistrer sur REACH selon le principe directeur « Pas de données, pas de marché ».

Mais derrière ces intentions louables, ce qu’on ne lit pas c’est que REACH est étroitement lié aux expériences sur les animaux :

  • soit pour l’enregistrement de nouvelles substances (non répertoriées auparavant),
  • soit parce que les informations disponibles n’étaient pas suffisantes au regard de REACH : à cause de catégories d’informations manquantes, ou encore à cause du tonnage de commercialisation. Plus celui-ci est élevé, plus les informations toxicologiques doivent être précises et incluent des données sur la reproduction, la mutagénicité, la toxicité environnementale, des études subaigües puis subchroniques allant jusqu’à 90 jours d’exposition en continu des animaux. À gros tonnage, grosses expériences.

Ça c’est pour les substances chimiques (les ingrédients). Mais ce n’est pas tout :

2/ Vient le règlement BPR (ou RPB en français, règlement (UE) n° 528/2012) en vigueur depuis le 1er septembre 2013 encadre les biocides. Ces produits ont besoin d’une autorisation de mise sur le marché (AMM), comme les médicaments, pour être commercialisés. Ces biocides, classifiés en 22 catégories de produits, forment 4 groupes : les désinfectants, les produits de protection, les produits de lutte contre les nuisibles, et « les autres ». Ils induisent aussi des expériences sur les animaux en amont.

3/ Arrive enfin le règlement CLP (pour Cleaning, Labelling, Packaging), récent lui aussi : il est en vigueur depuis le 1er juin 2015, et constitue l’unique législation dans l’UE pour la classification et l’étiquetage des substances et des mélanges. Il classifie les produits en fonction de leur danger (Hazard classification). Vous avez forcément vu ces 9 pictogrammes de danger sur les emballages de vos produits ménagers.

Ce règlement CLP n’exige aucun test sur les animaux.

Nous avons demandé confirmation auprès de l’unité en charge des produits chimiques à la commission européenne :

« Le règlement CLP ne requiert aucune réalisation de test. Il prévoit le classement d’une substance ou d’un mélange sur la base des informations toxicologiques ou écotoxicologiques disponibles. Dans le cadre des détergents, le règlement REACH détermine les éléments que les fabricants doivent avoir à leurs dispositions pour mettre sur le marché leurs produits », nous explique Jérémy Pinte, responsable du règlement CLP. Concrètement, ce règlement classe et octroie les pictogrammes de danger des produits : aucun besoin d’expériences donc.

Mais dans la pratique, c’est malheureusement le cas, comme nous allons le voir, à cause de ce règlement et d’un vide juridique sur les produits finis.

Expériences sévères sur les animaux : ingrédients mais aussi… produits finis

Faites l’essai, prenez une bouteille de produit ménager, au hasard : les ingrédients qui le composent, et constituent la formule, sont rarement indiqués, à l’inverse des produits cosmétiques pour lesquels ces informations doivent obligatoirement figurer.

Ici, vous verrez des pictogrammes mais peu d’informations sur la composition du produit. Pour le savoir, il faut regarder les fiches de données de sécurité (FDS) : soit ! Pour chaque produit, nous allons les chercher, les trouver, et les décortiquer.

« Même sur des substances connues depuis très longtemps on fait actuellement des tests sur animaux. »

Sur ces FDS, se trouve la trace des expériences sur les animaux faites pour les ingrédients : parfois par le passé (depuis les années 1970) mais aussi beaucoup plus récemment : nous avons trouvé des expériences de 2017, 2019, 2020, 2021.

« Même sur des substances connues depuis très longtemps on fait actuellement des tests sur animaux » nous affirme un toxicologue, qui souhaite garder l’anonymat, comme plusieurs interlocuteurs au cours de cette enquête, mentionnant un sujet « tabou ».

De quoi s’agit-il ? Des tests de DL50 (dose létale médiane), d’irritation oculaire, d’irritation cutanée, d’ingestion par gavage, d’inhalation forcée. Pour les animaux cela se traduit par des brûlures, des œdèmes, des lésions graves sur les yeux, de la suffocation : ce que l’on nomme sobrement la toxicologie.

Lorsque nous avons confronté les industriels à ces données : aucun n’a pu nous le justifier.

Plus dérangeant encore : des produits finis sont encore testés directement sur les animaux alors qu’aucune législation ne l’exige. C’est le cas pour des produits des marques Mr propre, Cillit Bang, Saint Marc, ou encore Canard WC. Leur formule a été testée directement sur des animaux.

Lorsque nous avons confronté les industriels à ces données : aucun n’a pu nous le justifier.

Une « irritation puissante » est ainsi provoquée sur le lapin sur l’une des FDS. Le temps d’exposition est mentionné : jusqu’à 24h sur les yeux des animaux. Tout au long de notre enquête, une question nous revient : à quoi bon irriter les yeux d’animaux 24h durant ? Quelles « lésions graves » attend-on ? Des toxicologues réglementaires nous justifieront ce temps d’exposition par des besoins d’informations plus précises sur les dommages causés par le produit. On découvre ainsi jusqu’à 72h d’exposition au produit dans les yeux de lapin, pour un aérosol de la marque Lysol, du groupe Reckitt (section 11 de la FDS).

Reckitt nous affirme pourtant par téléphone ne pas tester sur les animaux : « Reckitt n’effectue pas de tests sur les animaux pour les produits finis et les matières premières ».

Même affirmation pour Procter & Gamble : « C’est terminé ! C’est fini, là », tranche notre interlocuteur avec un ton visant à conclure l’entretien. « Mais ça s’est fini à quel moment ? » insiste notre enquêtrice. « C’est fini ! », lui répond-il. « Mais à quel moment ? », réitère-telle. « C’est fini, je sais pas Madame. Là, là, c’est en 2021. »

Une date qui ne correspond à rien, sortie du chapeau dans une improvisation téléphonique gênante. Reckitt, comme Procter & Gamble, feindront d’ignorer l’existence de ces expériences, justifiant leur ignorance par la profusion de produits présents sur le marché, ou encore par des FDS qui ne seraient pas mises à jour, ce qui est faux, et ce qui ne change rien à ce que stipulent ces documents officiels.

Notre interlocutrice de Reckitt ira même plus loin : elle supposera que les FDS que nous avons sont des faux. « Pourtant elles ont l’air vraiment officielles ces fiches », insistera notre enquêtrice, en souriant devant tant de mauvaise foi.

Sans pouvoir nous apporter aucun élément de réponse, ils ont avancé qu’ils « ne pouvaient pas connaître tous les produits », ou encore que cela « dépendait des législations nationales », ce qui est encore faux puisque la réglementation est européenne.

Des expériences pour des raisons marketing, vraiment ?

Les industriels, aussi appelés les formulateurs dans le jargon, ont en réalité le choix de tester ou non leurs produits finis sur les animaux : ce n’est pas une obligation, mais certains le font car ce n’est pas interdit non plus. Nous échangeons avec plusieurs toxicologues réglementaires ainsi que des rédacteurs de FDS : des acteurs qui font les intermédiaires entre les industriels et les laboratoires, et se chargent de remplir les obligations légales. Si le règlement CLP n’exige aucun test, le formulateur a une obligation : il doit vérifier que son fournisseur est conforme à REACH. Selon les toxicologues que nous avons interrogés, la raison de ces expériences de produits finis est marketing : les industriels souhaitent « déclassifier » un produit (au regard des pictogrammes CLP) en testant sa formule de nouveau. Les industriels le font pour éviter d’avoir certains des pictogrammes de ce règlement CLP, ou baisser le niveau de danger (changer la classification de la substance). Pourquoi ? Parce que les consommateurs n’aiment pas vraiment les pictogrammes de danger, synonymes de produits dangereux, de risques pour les enfants, ou de produits chimiques nocifs. Même si personne n’est censé boire à gorge déployée du déboucheur pour canalisation, ou s’asperger les yeux de détartrant, c’est ce que l’on fait subir aux animaux pour la classification (section 2 des FDS). Pour cette raison, des industriels n’hésitent pas à modifier les formules (les produits finis) et les tester sur les animaux. Une raison très éloignée de la nécessité ou de l’utilité médicale. Nous parvenons à obtenir un entretien avec deux membres de l’ECHA : l’une est responsable de REACH, l’autre du règlement CLP, respectivement depuis 15 ans et 8 ans. À demi-mots, elles nous avouent que les raisons de ces expériences sur les animaux de produits finis sont marketings. Nous n’arrivions pas à y croire.

La commercialisation d’une nouvelle senteur, modifiant la formule, peut aussi générer des expériences de produits finis sur les animaux.

Un toxicologue, d’une entreprise qui ne pratique pas les tests sur les animaux, nous expliquera aussi qu’il n’existe pas d’effets leviers : lorsque la formule d’un produit fini est modifiée (le parfum par exemple), elle peut engendrer de nouveaux tests.

C’est ce que nous avons vérifié : parfum citron, fraîcheur océan, senteur agrume, senteur orange, à chaque déclinaison d’un produit correspond une FDS avec des expériences relatives au produit fini. Autrement dit, la commercialisation d’une nouvelle senteur, modifiant la formule, peut aussi générer des expériences de produits finis sur les animaux. Encore une fois, aucune obligation légale ne le justifie. Un vide, un flou juridique, sera souvent évoqué par nos interlocuteurs à ce sujet. C’est en effet le cas, et la révision de REACH se fait attendre : « au cours du dernier trimestre de 2023, avec plus d’un an de retard, l’exécutif européen devrait présenter sa révision très attendue », précise le site EuroActiv.

Qui fait les expériences ?

« Oh on va pas vous donner de nom… » nous répond, gênée, l’une de nos interlocutrices de l’ECHA. C’est un peu la question qui fâche. « C’est des grands noms… Y en a trois, quatre… » nous précise-t-elle, avant d’ajouter « mais ils respectent aussi les animaux… malgré certaines critiques ». On se gardera de réagir.

Nous remontons jusqu’aux laboratoires de toxicologie dédiés à ces expériences : nous les avons répertoriés et contactés. Les centres de toxicologie en charge des produits chimiques sont des CRO : Contract Research Organisation. Ils travaillent sous contrat avec les industriels et pratiquent la toxicologie in vivo « en dernier recours » selon tout ce que l’on peut lire, c’est-à-dire lorsque les essais in vitro ou les évaluations par calcul ne suffiraient pas.

Après des mois d’insistance, nous avons réussi à obtenir un rendez-vous avec un directeur d’études in vivo en toxicologie sur les produits chimiques. Un entretien rare, qui sera aussi le dernier de cette enquête.

C’est un homme honnête mais gêné par sa pratique, qui a répondu à nos questions. Il nous confirme que les expériences sur les animaux pour les ingrédients ont toujours lieu, et sont sévères. Il défendra, comme tous les interlocuteurs impliqués, l’encadrement des expériences ou la formation du personnel. Une rhétorique à laquelle nos enquêtes précédentes nous ont habitués et qui ne change rien à la souffrance infligée aux animaux.

À l’écouter, le recours aux animaux serait exceptionnel. C’est l’un des leitmotivs de cette enquête : les animaux apparaissaient et disparaissaient sans cesse, insaisissables, chimériques. Ils étaient mentionnés, puis niés, on nous affirmait leur usage, puis leur absence : tout et son contraire.

Pourtant les animaux apparaissent bien dans deux bases de données : celle de l’ECHA (voire notre FAQ) et celle de l’UE, ALURES, laquelle précise par exemple que plus de 700 000 animaux ont été utilisés en 2019 (année la plus récente disponible) pour des essais de toxicologie, dont la moitié pour des usages médicaux : l’ordre de grandeur serait alors autour de 350.000 animaux par an.

Lorsque nous avons interrogé les membres de l’ECHA sur le nombre d’animaux concernés, à notre étonnement elles n’en savaient rien, « mais c’est une toute petite portion par rapport à l’industrie pharmaceutique », dira l’une d’elle, pour faire passer ces pratiques comme anecdotiques. C’est en effet le seul argument que l’on a entendu pour justifier des expériences injustifiables, et déjà interdites depuis dix ans pour les ingrédients et produits finis à usage cosmétique.

Des expériences évitables

Des alternatives existent : c’est bien ce que met en avant l’ECHA, arguant que lorsqu’on peut faire autrement, on évite les animaux.

Si un essai in vitro ou in silico est concluant, pas besoin de passer sur l’animal. Dans le cas inverse, l’ECHA évalue la pertinence des résultats et juger si l’on doit aller plus loin et utiliser l’animal. Plus la méthode est élevée et complexe, plus il est difficile d’éviter les animaux : par exemple, pour la toxicologie sur la reproduction.

Mais pour certains tests d’irritation ou de corrosion, des alternatives validées existent. C’est le cas du tristement célèbre test de Draize, un test d’irritation oculaire sur les yeux des lapins.

L’ECVAM nous confirme bien que plusieurs alternatives validées par l’UE existent et doivent donc obligatoirement être utilisées (directive européenne 2010/63/UE, applicable depuis le 1er janvier 2013) :

« Il existe déjà des approches non animales de remplacement complet pour les lésions oculaires graves/irritation oculaire qui sont acceptées à l’échelle internationale par l’OCDE. Les lignes directrices d’essai de l’OCDE (TG) 492B et 467 sont toutes deux des approches autonomes de remplacement complet. Les deux ont été adoptés par l’OCDE l’année dernière. Avec leur adoption, il n’est plus nécessaire d’effectuer le test oculaire de lapin de Draize décrit dans l’OED TG 405. Outre ces TG, les TG 437, 438, 460, 491, 492, 494 et 496 offrent également des alternatives de remplacement au test oculaire du lapin pour identifier l’absence de classification et/ou des lésions oculaires graves (catégorie 1 du SGH) », nous explique Débora Valsesia, de l’unité toxicologie de la commission européenne, relative à l’ECVAM (F3 Unit – Systems Toxicology, incorporating the EU Reference Laboratory for Alternatives to Animal Testing).

Selon un toxicologue de ToxiPlan, spécialisé en affaires réglementaires et évaluation des risques, les méthodes de prédiction mathématiques pourraient complètement se substituer aux animaux. Mais une fiche du 14 juin 2021 détaille l’existence et les conditions de réalisation de ce test sur les lapins : « Ligne directrice n° 405Essai in vivo d’irritation de l’oeil/lésions oculaires graves », lorsque les méthodes alternatives se révèlent insuffisantes. Là, on ne comprend plus vraiment. Nous trouvons des données de sécurité de 2020 qui attestent aussi de la pratique de ces tests d’abord in vitro, puis sur les yeux des lapins.

Nous trouvons aussi un CRO qui pratique bien cette expérience, ainsi que d’autres, comme le stipule son site web : on y retrouve la trace de ces animaux de laboratoire que l’on perd si souvent. Le numéro qui suit la mention OCDE permet de trouver le descriptif détaillé des expériences pratiquées.

Pourquoi n’est-ce pas le cas alors

Nous posons la question à deux membres de l’INERIS (Institut national de l’environnement industriel et des risques).

Selon l’un d’eux, toxicologue, le test de Draize serait extrêmement rare, un argument systématique dès lors que l’on mentionne des expériences particulièrement cruelles. Et les méthodes alternatives ? Pas toujours efficaces, selon eux : la substance testée pourrait interagir avec le dispositif in vitro et fausser les résultats. C’est remettre en cause la validité des méthodes de remplacement des animaux, donc. Le test de Draize « c’est vraiment l’exemple typique du test in vivo qui a été abandonné sauf cas particulier où on a des substances dont le scénario d’exposition justifie l’intérêt de l’exposition in vivo. » Nous n’aimerions pas faire partie d’un tel scénario…

Pendant plus d’une heure, ces membres de l’INERIS défendront un système encadré, et des expériences qui ne sont le résultat que « d’arbres décisionnels ».

Une tout autre réponse nous est apportée par un toxicologue de ToxiPlan, qui n’effectue pas de toxicologie in vivo. Les raisons seraient liées à la mentalité et à la défiance vis-à-vis des méthodes sans animaux : les autorités européennes n’accorderaient pas la même fiabilité aux prédictions mathématiques et, dans la crainte d’un scandale sanitaire, préfèrent être irréprochables et faire des expériences sur les animaux.

Un problème institutionnel européen revient ensuite : les « différents organismes ne se parlent pas entre eux », précise notre interlocuteur, et « actuellement c’est l’ECHA qui prend le lead et commandite de nouveaux tests depuis l’entrée en vigueur du règlement REACH ». Cette prise de pouvoir a justement été avérée en 2020, lorsque l’ECHA a autorisé des expériences sur les animaux pour des ingrédients à usage cosmétique, alors que le règlement européen l’interdisait, déclenchant l’Initiative citoyenne européenne (qui attend désormais la réponse de la commission européenne).

Enfin il y a du lobbying et les CRO, souvent de grands groupes pharmaceutiques comme Charles River, pousseraient à la multiplication de contrats en toxicologie. Depuis 2007, l’évaluation en toxicité engendre des contrats : la réglementation adoptée a été une bénédiction pour certains acteurs. Pas pour les animaux.

Le remplacement des animaux par d’autres méthodes est loin d’avoir lieu, contrairement à ce qu’écrit l’ECHA, et le lobbying institutionnel est présent. Les animaux qui pâtissent des expériences sont les dommages collatéraux d’arbres de décisions, de règlements, ou de motivations marketing qui s’éloignent un peu plus, à chaque fois que l’on creuse, du bon sens ou du besoin sanitaire.

Alors comment vit-on au quotidien ces expériences lorsque l’on sait tout cela ? Nous avons posé la question au directeur d’études in vivo du laboratoire de toxicologie. Il nous évoque alors son départ prochain du milieu. « Après, moi, je vais bientôt sortir de cadre-là aussi… Et ça me va aussi », conclura-t-il, en fin d’entretien. Un aveu qui en dit long sur la souffrance animale induite par des produits pourtant étincelants.

Nous ne sommes pas juristes. Ni chimistes. Encore moins toxicologues. Mais ce que nous avons compris pendant cette année d’enquête, c’est qu’une chaîne de décisions, obéissant à des logiques de marketing, d’innovation, de contrats, ou de couverture juridique, a pour conséquence, et sans grande utilité pour personne, qu’à un moment donné, on injecte du spray désinfectant dans les yeux d’animaux, sur leur peau, ou dans leur estomac. Nous ne sommes pas juristes. Ni chimistes. Encore moins toxicologues. Mais nous avons trouvé sacrément étrange, en 2023, de devoir encore en passer par là.

Animal Testing remercie particulièrement ses adhérents, ses donateurs, et les équipes de Lush France pour leur confiance et leur soutien sans faille. Nous remercions aussi nos partenaires pour leur créativité et leur réactivité : Océane pour le montage, Martin et l’agence Banlieue Ouest pour la campagne d’affichage, et Judith pour les illustrations.

Cette enquête a été réalisée par Avigail et Audrey pour Animal Testing. Micha et Joanna ont travaillé pour sa sortie.  

FAQ

Le produit peut contenir des ingrédients testés il y a longtemps sur les animaux (c’est souvent le cas) mais la marque est engagée à ne plus commanditer de nouvelles expériences pour les ingrédients depuis une certaine date, qui varie en fonction des engagements, ni à tester ses produits finis sur les animaux.

C’est malheureusement le cas. Tous les animaux utilisés en toxicologie pour les produits chimiques (le cadre spécifique de notre enquête) sont « sacrifiés » selon le terme :

  • soit parce que cela fait partie intégrante de la procédure, comme les tests de DL 50 (« dose létale médiane » qui observe la toxicité d’un produit produisant le décès de la moitié de la population animale utilisée),
  • soit parce que l’euthanasie et l’autopsie font partie du constat de la dégradation des organes ou des problèmes de développement des fœtus (section « toxicité sur la reproduction » renseignée pour REACH, par exemple),
  • soit encore parce que les dommages subis par les animaux utilisés (tests d’irritation oculaire, d’irritation cutanée, corrosion, brûlures, inhalation ou ingestion par gavage de substances ou produits finis, par exemple) conduisent à l’euthanasie de ces animaux en fin de protocole.

Les animaux qui font partie des expériences de toxicologie pour les produits chimiques ne sont ni réutilisés pour d’autres expériences, ni proposés à l’adoption.

L’ECHA est l’Agence Européenne des Produits Chimiques. Elle met en œuvre la législation européenne sur les produits chimiques et répertorie toutes les données et informations sur ces produits.

Une formule est un mélange composé de différentes substances, elle donne ce qu’on appelle couramment le produit fini, pour le dissocier des ingrédients.

Une substance, ou matière première, est une composante de formule. C’est un élément chimique et ses composés, pouvant être ingrédient de produit ménager par exemple.

Une FDS est un document fournissant différentes informations sur les substances et formules chimiques. Elle est composée de 16 sections et permet principalement d’identifier les dangers encourus lors d’une exposition au produit. Les risques toxicologiques et écotoxicologiques sont également mentionnés. Elle est fournie aux centres anti-poisons en cas d’ingestion ou d’accident domestique, notamment pour les produits ménagers.

Elles apparaissent principalement dans les sections 11 et 12, concernant respectivement les informations toxicologiques et écotoxicologiques. Elles peuvent également apparaître dans la section 3 : “composition/informations sur les composants”.

Le numéro CAS est le numéro d’enregistrement d’une substance auprès de la banque de données de Chemicals Abstracts Service, division de l’American Chemical Society.

C’est l’acronyme de “Contract Research Organisation” pour désigner les établissements utilisant des animaux à des fins scientifiques et travaillant par contrat avec d’autres entités.

Les CRO sont nombreux mais en France, comme au niveau international, quelques grands noms s’imposent rapidement, comme Charles River Laboratories ou Namsa.

La classification d’une substance ou d’un mélange permet d’identifier les dangers qui lui sont associés. Un pictogramme adapté sera ensuite associé au produit (corrosif ou irritant par exemple).

Les 9 pictogrammes en vigueur sont expliqués ici : https://www.inrs.fr/media.html?refINRS=A%20746

La CL50 correspond à la concentration létale 50, c’est-à-dire la concentration du produit chimique dans l’air ou dans l’eau causant la mort de 50% des animaux de laboratoire au cours de la période d’observation.

La DL50, dose létale 50, quant à elle, correspond à la quantité de matière administrée en une seule fois par voie orale ou cutanée causant la mort de 50% d’un groupe d’animaux.

Ce sont des tests courants en expérimentation animale pour évaluer la toxicité.

Sur les FDS, vous verrez par exemple ce type de résultats :

“Toxicité orale aiguë estimée : DL50 (rats) > 2ml/kg” (extrait du Mr Propre Professionnal Nettoyant Multi-Usages, Version du 2010-04-09).

Ou sur une fiche plus récente :

Date d’émission : 27/11/2014 Date de révision : 23/06/2017

Contrairement aux produits cosmétiques, il n’est pas obligatoire de faire figurer tous les ingrédients du mélange sur l’étiquette. Pour avoir accès à la composition complète d’un produit, il faut se procurer sa fiche de composition, les fiches de données de sécurité ne mentionnant pas toujours non plus la totalité des ingrédients.

Un biocide est un produit destiné à détruire, repousser ou rendre inoffensif un organisme nuisible. Plus simplement, ce sont des désinfectants, insecticides ou pesticides par exemple. Certains produits ménagers contiennent des Types de Produits (TP) 1 et 2, appartenant à la famille des désinfectants. C’est pour cela que nous mentionnons le règlement BPR dans notre enquête.

Un détergent est un produit contenant des agents de surface aux propriétés tensioactives, destiné au lavage et au nettoyage. En clair, ce sont nos produits ménagers.

“In vitro”, du latin “dans le verre”, renvoie aux expériences réalisées en dehors d’un organisme vivant et impliquant des cellules, organes ou tissus isolés : modèles de cornée humaine, épiderme reconstitué… Des méthodes alternatives à l’expérimentation animale sont validées par l’ECVAM (Centre Européen pour la Validation des Méthodes Alternatives).

Les méthodes alternatives dites “in silico”, quant à elles, prennent la forme de modèles informatiques et mathématiques. En toxicologie, ces modèles permettent de prédire les propriétés d’une substance et sont réalisés à partir d’études in vitro et in vivo.

Enfin, “in vivo” signifie “dans le vivant” et concerne toutes les expériences menées sur des organismes vivants. C’est ainsi que sont souvent désignées les expériences sur les animaux sur les documents ou sites web des acteurs liés à l’expérimentation animale.

Retenez que depuis 2007 il y a trois règlements qui entrent en jeu pour les produits ménagers : c’est aussi ce qui rend ce sujet compliqué.

1/ le règlement REACH (Registration Evaluation Authorisation and Restriction of CHemicals), ou règlement n°1907/2006 : entré en vigueur en 2007, ce programme a été mis en place afin de sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques, et donc de nombreux ingrédients de produits ménagers, dans l’industrie européenne.

2/ le règlement BPR (Biocidal Product Regulation) ou règlement n° 528/2012 : entré en vigueur en 2013, ce règlement concerne la mise sur le marché et l’utilisation des produits biocides.

3/ le règlement CLP (Cleaning Labelling Packaging) ou règlement n° 1272/2008 : entré en vigueur en 2009, il permet d’identifier les produits chimiques dangereux et informer les utilisateurs de ces dangers grâce à un système d’étiquetage.

Oui depuis le 31 mai 2018 il n’est plus possible de fabriquer ou d’importer des substances à plus d’une tonne par an, si elles n’ont pas été enregistrées. C’est le principe édicté par REACH : “Pas de données, pas de marché ».

“Si vous fabriquez ou importez moins d’une tonne d’une substance par an, vous n’êtes pas obligé d’enregistrer la substance. Si vous atteignez ou dépassez ce seuil, votre fourchette de quantité déterminera les informations dont vous avez besoin pour l’enregistrement” résume l’ECHA. En effet, les informations exigées dépendent du tonnage de commercialisation des substances.

1/ pour l’enregistrement des substances dans REACH

Selon les annexes VII, VIII et IX du règlement REACH, plus le tonnage de commercialisation des substances sera élevé, plus les expériences sur les animaux seront nombreuses et lourdes : à gros tonnage, grosses expériences.

Les premiers tests, appelés tests de première intention, doivent impérativement être réalisés via des méthodes in vitro (bien que cela ne soit pas toujours respecté), puis sur des animaux si ces méthodes in vitro ne sont pas applicables : des tests de corrosion, irritation oculaire et cutanée puis de sensibilisation cutanée sur des rats, lapins ou cochons d’Inde seront requis. Viennent ensuite des tests de toxicité aiguë (méthodes de la CL50 et DL50) pour les substances importées et fabriquées à plus d’une tonne par an.

Des études subaiguës avec une exposition des animaux à la substance allant de 14 à 28 jours et des essais de reprotoxicité seront imposés pour des quantités supérieures à dix tonnes par an.

Enfin, des études subchroniques, allant jusqu’à 90 jours d’exposition en continu des animaux à la substance ainsi que des tests de reprotoxicité sur plusieurs générations sont requis pour des bandes de tonnage supérieures à cent tonnes par an.

Pour plus de détails concernant ces protocoles, et pour une liste plus complète des expériences (toxicité aquatique sur des poissons, génotoxicité, cancérogénicité…), nous vous invitons à consulter les annexes de REACH mentionnées plus haut ainsi que les lignes directrices de l’OCDE pour les essais de produits chimiques : “effets sur la santé” et “effets sur les systèmes biologiques”.

2/ Pour l’autorisation de mise sur le marché des produits biocides dans le cadre du règlement BPR

Selon l’annexe III du règlement BPR, en plus des essais réalisés pour les matières premières des biocides conformément au règlement REACH, un profil toxicologique et écotoxicologique du produit fini est exigé. Pour cela, des essais similaires à ceux requis pour la première bande de tonnage des matières premières sont demandés pour le produit fini (corrosion, irritation, sensibilisation, toxicité aiguë…). Mais ce n’est pas systématique : s’il existe des données valides disponibles sur chacun des constituants du mélange permettant la classification de celui-ci (conformément au règlement CLP) et qu’aucun effet synergique n’est prévu entre les constituants, les tests toxicologiques ne sont pas nécessaires.

3/ pour la classification des produits finis dans le cadre du règlement CLP

https://echa.europa.eu/fr/testing-clp

Aucun test n’est imposé par le règlement CLP. La classification des mélanges est calculée à partir des données disponibles sur sa composition :  “Le CLP ne requiert normalement pas de nouveaux essais en ce qui concerne les dangers pour la santé et l’environnement de substances ou de mélanges aux fins de la classification et de l’étiquetage.”

L’ECHA oblige au partage de données dans le cadre des biocides (règlement UE n°528/2012) : toutes les informations issues d’expériences sur les animaux passées sont ainsi mises en commun et doivent être consultables.

Pour le règlement REACH, les données d’expériences passées sont disponibles et renseignées à titre bibliographique dans les fiches de sécurité. Pour des substances dont la toxicologie est déjà connue, il n’y a en effet aucun intérêt à refaire des expériences. Le problème se pose lorsque les informations disponibles ne sont pas suffisantes au regard des exigences de REACH, par exemple en fonction du tonnage de commercialisation d’un produit des informations sur la toxicologie en reproduction ou mutagénicité sont exigées.

Deux bases de données existent :

1/ EUCLEF

En mars 2020 (seulement) l’ECHA a mis en place EUCLEF, qui signifie « EU Chemicals Legislation Finder » : ce nouvel outil permet d’accéder à 40 textes de la réglementation européenne (qualité de l’air et de l’eau, protection des travailleurs, pesticides, matériaux en contact avec les aliments, produits cosmétiques, sécurité des jouets….) s’appliquant aux substances chimiques, et permet de rechercher les substances par leur nom ou leur numéro CAS.

https://echa.europa.eu/fr/information-on-chemicals/euclef

On peut retrouver les dossiers de chaque ingrédient enregistré et remonter jusqu’aux expériences.

Par exemple, pour le carbonate de sodium (CAS number: 497-19-8) :

https://echa.europa.eu/fr/registration-dossier/-/registered-dossier/15432/7/4/2

=> Toxicological information => irritation corrosion => skin irritation: in vivo => l’expérience a été menée en 1985 sur des lapins en Allemagne.

2/ IUCLID qui est « est une application logicielle qui permet de saisir, stocker, gérer et échanger des données sur les propriétés intrinsèques et dangereuses des substances chimiques. L’ECHA développe conjointement ce logiciel avec OCDE. »

https://iuclid6.echa.europa.eu

Pour certains ingrédients, présents dans la section 11 des FDS, les expériences ont eu lieu il y a longtemps (on retrouve souvent des expériences menées dans les années 1980, 1990) et cette section renseigne alors toutes les informations toxicologiques connues, comme une sorte de bibliographie.

Ce n’est donc pas parce qu’une expérience sur des lapins figure dans une FDS que la marque du produit concerné l’a commanditée. Et ce n’est pas parce qu’une FDS est récente (par exemple : “révision : juin 2021”), que les expériences mentionnées le sont.

En revanche, pour d’autres ingrédients les expériences sont récentes :

  • soit parce qu’elles n’étaient pas connues ou suffisantes pour satisfaire les données demandées par le règlement REACH,
  • soit parce qu’à partir d’un certain tonnage, des informations sont exigées sur la reproduction ou la mutagénicité, ou encore l’écotoxicité, et cela va conduire à des expériences sur des rongeurs, leur fœtus, ou des poissons.

Enfin, un troisième volet est à prendre en compte : les expériences pour les produits finis.

Ici, aucune règlementation ne l’impose mais des tests d’ingestion ou d’inhalation du produit sont pratiqués : on voit alors le nom de la formule (ou du mélange) apparaître directement en tant que produit fini inhalé ou ingéré par les animaux avec mention des espèces concernées.

En effet, il faut connaître le chemin :

1/ Taper le nom du produit fini sur Google + Fiche de données de sécurité (ou +FDS) : oui, parfois c’est aussi simple que cela.

2/ Parmi les premiers résultats, vous trouverez souvent un PDF avec la liste des ingrédients et des expériences connues (section 11 : informations toxicologiques).

Cela arrive, voici le deuxième chemin :

1/ Dans les ingrédients mentionnés obligatoirement sur la FDS vous trouverez leur numéro CAS. Si vous ne trouvez pas la FDS, le numéro de CAS d’un ingrédient est aussi indiqué sur le site https://incibeauty.com/ en recherche par ingrédient.

2/ Allez sur le site de l’ECHA, sur la base de données : acceptez les conditions juridiques (c’est obligatoire) et entrez le numéro de CAS de l’ingrédient.

3/ Vous accédez à « l’infocard » de l’ingrédient.

4/ Allez dans la section « Key datasets » et cliquez sur « REACH Registered Substance Factsheets » :

(Alternative : si la section “REACH registered substance factsheets” n’existe pas pour cet ingrédient (c’est possible aussi), vous pouvez aller dans la section “C&L Inventory” (“Cleaning and Labelling”) comme c’est le cas ici pour le Decyl Glucoside, mais les expériences sur les animaux n’y figurent pas forcément.)

5/ Une nouvelle page s’ouvre :

Cliquez sur le pictogramme de l’œil dans la colonne « details » pour accéder au dossier d’enregistrement (https://echa.europa.eu/fr/registration-dossier/-/registered-dossier/15566/7/4/1)

6/ allez dans la rubrique « toxicological information » : tous les champs consultables en toxicité se trouvent là.

Pour la soude, on peut lire par exemple : Irritation of the eyes of rabbits was reported at NaOH concentrations of 0.4; 0.5; 0.95; 1; 2 and 3% (Jabobs, 1992; Morgan et al., 1987; Murphy et al., 1982; Reer et al., 1976). Corrosive effects were found at 1.2; 8 and 10% NaOH (Morgan et al., 1987; Reer et al., 1976; Wentworth et al., 1993).

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Jusqu’au 30 avril nous pouvons demander une mission d’information au Sénat sur le remplacement des animaux par d’autres méthodes.
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Cruelty Free : quels sont les labels « non testé sur les animaux » ?

Le label HCS (Human Cosmetics Standard) ou « Leaping Bunny » (lapin entouré d’étoiles) : ses produits ainsi que les ingrédients utilisés ne sont jamais testés sur les animaux. “La certification Leaping Bunny permet de garantir que des tests sur animaux ne seront pas menés sur les matières premières et produits finis”, peut-on lire en explication sur l’emballage de certaines lessives par exemple.

Les logos « Cruelty-Free » : les produits et les ingrédients qui les composent ne sont jamais testés sur les animaux.

Le label allemand IHTK : aucun des produits d’une marque et des ingrédients n’ont été testés sur les animaux et que la marque n’engage aucun organisme afin de réaliser des tests sur les animaux en son nom.

Le label australien CCF (Choose Cruelty-Free) garantit qu’une marque n’effectue aucun test sur les animaux.

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