Dans le dédale de la législation sur les cosmétiques, dans la jungle des labels, comment y voir clair ?
Nous avons demandé à nos abonnés Instagram s’ils faisaient la différence entre ces 3 labels et allégations, présentes sur des produits cosmétiques courants, et ce que ceux-ci impliquaient en termes de garanties et d’absences de tests sur les animaux. Et vous, faites-vous la différence ?
Temps de lecture : 5 minutes
Nous vous proposons une mise au point sur la petite mention « vegan » que l’on voit proliférer sur bien des produits, les marques ayant saisi l’effet de mode sur leur cible des moins de trente ans, ou utilisant cette mention pour renforcer leur image engagée, responsable, ou écologique. De là à parler d’ethic washing, la frontière est mince.
« Les allégations « vegan » sont assez problématiques car elles ne sont pas réglementées« , explique Astrid Lefournier, de l’AVF, en charge du label Vegan avec la fleur, (« le V-label »). « Si certains labels sont explicites sur leurs critères et les tests sur animaux, les marques peuvent décider d’apposer des mentions « vegan » sur leurs produits sans contraintes et sans précisions sur les critères respectés. »
« Néanmoins la norme ISO 23662 2021 paru en mars 2021 qui définit les termes végétalien et végétarien prend en compte les tests sur les animaux et permet donc aux producteurs et équipe marketing d’avoir accès à ce qu’implique ces définitions. Comme le V-Label a contribué à l’édition de cette norme, elle reprend en grande partie les critères du V-Label, cela est valable pour les tests sur les animaux (incluant pas de tests sur produit fini).
La marque s’expose donc à une très mauvaise publicité si les informations indiquées sur les produits sont erronées », précise-t-elle.
En clair, le label Vegan de l’AVF garantit l’absence de tests sur les animaux, et la norme ISO 23662 intègre ce critère à la définition de « vegan ». Mais beaucoup de marques s’engouffrent dans ce flou entre la stricte composition sans origine animale et l’aspect non testé sur les animaux, et jouent sur la représentation et la perception psychologique de l’allégation « Vegan » qui charrie tout le champ sémantique de la protection animale avec elle.
Préambule : si vous pensez que les ingrédients cosmétiques ne sont plus testés sur les animaux depuis 2013 dans l’Union européenne, lisez cet article.
Premier point : allégations et « formule végan »
Écrire « formule vegan » ou « végan » au sens strict signifie qu’il n’y a pas de substances d’origine animale dans le produit, mais cela n’est d’aucune garantie sur l’expérimentation animale.
Comme le rappelle l’AVF : « Un produit est considéré comme végane s’il n’a impliqué, à aucun stade de sa production et de sa transformation, l’usage d’ingrédients ou de composants (y compris additifs, supports de culture, arômes, parfums, enzymes…) et/ou d’auxiliaires technologiques d’origine animale, (transformées ou non) qui ne sont pas des additifs mais sont utilisées de la même manière, avec la même finalité que des auxiliaires technologiques. Ainsi, un produit végane ne peut contenir :
• de viande ou tout autre chair animale
• de poisson ou tout autre animal marin
• d’œuf
• de miel
• de lait
• de cire d’animaux (ex : cire d’abeille, graisse de laine de mouton…)
• de fourrure, de cuir, de soie
• de gelée royale
• d’agent colorant d’origine animale (ex : carmin)
• de substance blanchie au charbon animal (ex : sucre)
• de substance clarifiée avec des substances animales (ex : gélatine, vessie natatoire)
• de substance transformée / obtenue ou produite grâce à l’une des substances ci-dessus. »
La marque Caudalie met par exemple en avant la mention « vegan » sur ces produits.
Pour savoir quel engagement sur l’expérimentation animale cela revêt, Animal Testing a joint la marque par téléphone. « Nos produits ne contiennent aucun ingrédient d’origine animale, sauf un baume pour le corps qui contient de la cire d’abeille ». Ici, vegan s’entend donc comme une mention de la composition.
« Mais aucun de nos produits n’est testé sur les animaux, ni nos ingrédients, ni ceux de nos fournisseurs », insiste l’interlocutrice de la marque.
Sauf que c’est ce que toutes les marques de cosmétiques assènent, et elles auraient tort de ne pas le faire, puisqu’officiellement le règlement européen de 2013 qui les pousse à le dire haut et fort, ignorant la multitude d’exceptions à ce règlement, ou encore l’existence du règlement REACH qui entre en confrontation directe avec le règlement cosmétiques.
Cela va même plus loin : il est interdit d’écrire « non testé sur les animaux » car cela jette le doute sur la législation et s’apparenterait à de la concurrence déloyale, comme le note la DGCCRF en 2018 jugeant simplement que « l’expérimentation animale portant sur les produits cosmétiques est interdite par la réglementation européenne. Par conséquent, l’allégation « non testé sur les animaux » est abusive et ne doit pas figurer sur ces produits. »
On en arrive donc à la situation suivante où :
1/ des marques qui n’ont aucun ingrédient d’origine animale, mais pas d’engagement ou de vigilance particulières sur l’expérimentation animale écrivent « vegan » autant que possible.
2/ d’autres marques engagées historiquement contre les tests sur les animaux doivent ruser pour le mentionner avec des phrases du type « opposée au test sur les animaux depuis toujours », « pour le respect des animaux » et autres variantes créatives.
Quant à Caudalie, il faut savoir que la marque, comme tant d’autres, est présente en Chine, pays où les tests sur les animaux sont légion pour les cosmétiques, pour être commercialisés sur le sol chinois. « Mais ces tests ne sont pas réalisés par Caudalie mais par les autorités locales », rassure notre interlocutrice. Ça change tout, se gardera-t-on de répondre.
Malgré notre insistance pour éclaircir la différence entre les obligations légales valables pour toutes les marques et l’attention particulières aux exceptions et à l’absence effective de tests sur les animaux, notre interlocutrice nous répondra assez sèchement « qu’elle a tous les jours ce type de question et que les informations sont correctes », nous renvoyant au manifeste cosm’éthique de la marque Caudale, parmi lesquels figure bien la composition sans ingrédients d’origine animale (ça, on avait compris) mais aucune mention des tests sur les animaux.
Deuxième point : labels et absence du marché chinois
Certaines marques ont alors délibérément refusé le marché chinois, comme Le Petit Olivier, qui est labellisé One Voice logo tigre avec un T, garantissant l’absence en Chine, ou encore Pierre Cattier, qui le souligne dans ses engagements.
« Chez Cattier, le bien-être animal est une cause qui nous tient à cœur, c’est pourquoi nous faisons le choix d’aller plus loin dans notre engagement :
de plus en plus de nos produits sont certifiés VEGANS par l’organisme Expertise Végan Europe. Cet organisme indépendant qui répond à un cahier des charges stricte, garantit des produits sans ingrédients d’origine animale ou issus d’animaux. Aussi, la grande majorité des produits que nous développons et que nous reformulons sont certifiés VEGANS.
Nous avons décidé de ne vendre en Chine aucun cosmétique nécessitant un enregistrement et donc de tests sur animaux. »
Le label « Eve Vegan » figurant sur les produits Cattier tient lui aussi compte de l’absence de tests sur les animaux :
» La marque de certification EVE VEGAN® est une démarche volontaire reconnue dans le monde par ceux qui recherchent des produits garantis sans ingrédients d’origine animale et non testés sur les animaux. », explique l’organisme indépendant.
Dans ce cas, la marque obtient un label qui prend en compte l’absence de tests sur les animaux (ce qui n’est pas le cas des labels Bio ou Ecocert, qui garantissent d’autres implications mais pas celle du Cruelty free) et s’implique aussi au-delà en refusant de commercialiser sur le marché chinois.
C’est la position la plus cohérente qui soit et celle que nous soutenons.
Les labels Vegan garantissent l’absence de tests sur les animaux et vont au-delà de la simple composition. La différence entre eux tient ensuite au système d’audit externe, de présence à l’international ou de critères propres à l’alimentaire, comme l’indique le comparatif de l’AVF :
Que retenir alors ?
Pour que vegan soit synonyme d’absence de tests sur les animaux, il faut que :
1/ Il y ait des labels Vegan garantissant l’absence de tests sur les animaux : V-label, Vegan Society, Eve Vegan ou Certified Vegan
2/ Les marques refusent la commercialisation sur le marché chinois
3/ Les marques inscrivent ces engagements clairement sur leur site dans leurs valeurs, ce qui est le cas puisque cela est un gage de transparence et de confiance pour leur clientèle.
Retenez aussi que le marché des cosmétiques Vegans est en pleine croissance, et que les acteurs opportunistes ne manquent pas d’affluer. Être vigilant c’est faire de cette mention une obligation cohérente, et non un déguisement marketing. Évidemment, il s’agit de faire ce travail de recherche une fois, et de connaître un peu les marques que l’on achète.
Réponse à la photo : seuls les labels 1 et 2 fournissent les garanties d’absence de tests sur les animaux.