Dans une tribune intitulée « Assez de caricatures sur l’expérimentation animale« , un collectif de 400 chercheurs tente de discréditer les récentes enquêtes menées par Animal Testing, qui sont les premières du genre en France à révéler la condition des animaux de laboratoire.
Il est à noter que ce type de tribune témoigne par elle-même de l’inverse de ce qu’elle souhaite démontrer: à savoir que nos enquêtes sont justement prises très au sérieux par les partisans des expériences sur les animaux. Pourquoi sinon se donner autant de mal et nous affubler de termes dont la véhémence n’est que l’aveu que notre travail touche une recherche qui n’était jusqu’alors pas inquiétée et menait ses pratiques en huis-clos?
Notre récente enquête sur les rongeurs provient d’un lanceur d’alerte en poste actuellement en laboratoire, et membre d’un comité d’éthique, dont le témoignage est édifiant. « Déguisés en lanceurs d’alerte » souligne la tribune: non, il s’agit bien d’un lanceur d’alerte, à savoir une personne qui n’est pas militante mais qui, confrontée à des pratiques iniques ou ne respectant pas la réglementation, choisit délibérément de dénoncer celles-ci.
Mais surtout, aucune réponse dans cette tribune n’est apportée à tous les éléments que nous dénonçons, et aucun chercheur ni aucun membre du bureau de l’expérimentation animale n’a souhaité réagir aux médias qui les ont contactés suite à nos trois enquêtes. Pourquoi alors se plaindre et laisser croire que les médias ne donnent pas écho à votre propos messieurs les chercheurs? À chaque fois que vous avez été contactés, le silence a été votre seul refuge, comme en atteste de nombreux articles suite à notre enquête sur les singes détenus dans le sous-sol d’un hôpital parisien. Dans cette tribune à nouveau, vous fuyez.
Permettez-moi de vous rappeler les éléments sur lesquels nous attendons encore vos réponses: pourquoi des singes sont-ils privés de nourriture jusqu’à ce qu’ils acceptent les chaises de contention? Le chercheur de notre vidéo explique que l’un d’eux a souffert de ce traitement pendant une semaine, et qu’il faut « casser le singe » psychologiquement, qu’il n’y a « que ça » qui marche. Est-ce là les pratiques encadrées que vous mentionnez? Pourquoi laissez-vous croire que les antidouleurs sont systématiques, alors que c’est faux? Pourquoi les animaux décèdent-ils de leurs souffrances alors que des « points limites » doivent abréger celles-ci selon la réglementation? Pourquoi, encore, les membres de comités d’éthiques subissent des pressions pour valider des protocoles qui ne devraient pas l’être? Sans être exhaustifs, ces questions sont à ce jour sans réponse de votre part. Vous parlez « d’affabulations »: nos images et nos témoignages « laissent pourtant peu de place à l’interprétation », comme le soulignait l’émission « La méthode scientifique » de France Inter du 22/11/2017 qui vous a aussi interrogé à ce sujet et vous n’avez, à nouveau, pas répondu. Pire, vous avez souligné que la réglementation n’était pas contraignante mais qu’elle indiquait simplement des principes à suivre… Doit-on en conclure que chacun traite les animaux comme il l’entend dans son laboratoire?
Nous avons pu filmer dans trois laboratoires: il en est ressorti trois enquêtes, attestant à chaque fois de pratiques révoltantes envers les animaux. Tout ce que nous avançons est vérifié et documenté, et nous avons les protocoles des expériences que nous dénonçons. Mais face à la mauvaise foi et le déni, face à l’ignorance volontaire des abus commis dans ces lieux où à chaque fois que nous sommes entrés nous avons constaté un non-respect de la réglementation, vous osez botter en touche. Nous vous souhaitons bon courage alors pour trouver des mensonges suffisamment forts pour faire illusion et répondre à notre prochaine enquête: nous prendrons soin de citer le lieu et comptons sur votre volonté de transparence affichée pour répondre, cette fois, aux médias et aux politiques.
Audrey JOUGLA