Tribune publiée le 21 avril 2017 par Planet et Vegemag
« Ce 24 avril, la journée mondiale des animaux de laboratoire risque fort de passer inaperçue, loin derrière les préoccupations citoyennes et médiatiques qu’un lundi suivant le premier tour d’élections présidentielles justifie.
Pourtant la presse a souligné par des articles récurrents[1] l’entrée inédite dans cette campagne de la question animale, montrant que la condition des animaux et leur exploitation n’étaient plus du seul ressort de militants marginaux, ou perçus comme tels. Que le débat politique ouvert sur les abattoirs ou les polémiques sur le véganisme au Salon de l’agriculture aient interpellé nombre d’électeurs potentiels, ne fait aucun doute. En revanche, l’on pourrait s’étonner de la faiblesse des revendications concernant pourtant tout un pan de notre santé : celles qui s’attèlent à évoquer la souffrance des animaux de laboratoire et la pertinence de celle-ci.
À Fribourg, dont l’Université perpétue des expériences sur les primates,
Journée internationale organisée par la LSCV
Que cette journée mondiale perdure dans l’ombre apparaît alors comme le reflet de l’invisibilité dont souffre ce sujet, et avec lui, celle de millions d’animaux qui chaque année sont sacrifiés – c’est le terme scientifique, sur l’autel de la science au nom d’un mieux-être de l’humanité.
J’entends déjà les offusqués : comment oserions-nous porter un débat sur un sujet aussi mineur alors que la gravité de la situation économique et politique mérite d’accaparer notre attention ? J’entends ensuite les dubitatifs : la vivisection existe-t-elle seulement encore, s’interrogent-ils. Et s’ils évoquent la « recherche animale », ce n’est que pour mieux souligner qu’elle est savamment encadrée, juridiquement s’entend mais moralement de même : nous n’avons pas d’autres choix, sûrement. Alors suivent les résignés : si des chercheurs font souffrir des animaux, c’est bien par nécessité, et qui plus est, pour notre santé. Clôtureront ensuite ce cortège empêchant un débat public d’émerger, les soumis à l’expertise : n’y connaissant rien, laissons le soin des décisions au bon jugement des chercheurs, fussent-ils juges et partie.
Ne serait-ce que pour souligner les paravents systématiques qui surgissent dès que l’on évoque pareille question, ne serait-ce que pour que l’on pose justement les questions qui dérangent, les animaux de laboratoire méritent que l’on parle d’eux. Non seulement pour mettre au jour la cruauté qu’ils endurent, et c’est bien la moindre des réponses qu’on leur doit quand on agite l’épouvantail moral du troc d’une souffrance animale en vertu d’un hypothétique allègement de celle-ci pour l’homme. Mais aussi simplement parce que l’on évoque notre santé, le commerce qui en est fait, les expériences redondantes, pour des motifs qui sont bien éloignés du philanthropisme dont on crédite spontanément les commanditaires des expériences sur les animaux. Aussi peut-être parce que la directive européenne est en cours de révision, alors même qu’elle n’est pas correctement appliquée dans les unités de recherche en France.
Pour ces raisons, loin d’être exhaustives, nous devrions saisir l’opportunité d’une telle journée pour ouvrir le débat sur la manière dont la recherche se finance, se conduit et se justifie. Auprès du grand public, des malades, mais aussi, pour ces animaux martyrs que vous ne verrez jamais de votre vie. N’est-ce pas là le pire des tabous, que celui d’ignorer que ce que l’on consomme, de nos parfums à nos produits ménagers en passant par nos crèmes solaires, a induit auparavant.
Je pense aux primates détenus pendant des années dans les sous-sols d’un hôpital parisien, ou à ceux du Silabe de Niederhausbergen, près de Strasbourg, qui s’apprêtent à être vendus à des laboratoires privés. Je pense aux rongeurs intoxiqués et ulcérés, aux chats et aux chiens dont l’utilité des souffrances mériteraient bien souvent d’être questionnée, sans même évoquer les résultats concrets des protocoles qu’ils subissent.
Que les expériences actuelles et leur cruauté soient strictement indispensables, permettez-nous d’en douter. Et quand bien même alors, il faudrait au moins, déjà, oser les montrer et pouvoir en parler. »
[1] Pour ne citer que deux articles récents : Libération, 03/04/2017, http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/04/03/la-cause-animale-bien-campee-sur-quatre-pattes_1560307 Le Monde, 17/04/2017, http://www.lemonde.fr/biodiversite/article/2017/04/17/la-condition-animale-s-invite-dans-la-presidentielle_5112471_1652692.html